3. Antisémitisme (radical) : ce que le mot désigne


Nous appelons antisémitisme la croyance selon laquelle « les Juifs sont responsables des malheurs du monde ». Si le mot « antisémitisme », en tant que tel, est forgé à la fin du 19e siècle, on ne le répétera jamais assez, le système qu’il recouvre, l’explication du Mal par la présence des Juifs, naît aux confins des 11e et 12e siècles.  C’est à cette époque, en effet, celle du moyen-âge central, que la population juive, blâmée et rejetée dès l’aube du christianisme, devient le sujet d’une nouvelle accusation : par sa seule présence au sein des communautés dont elle rejetterait la religion et la morale, elle serait source des calamités, catastrophes et autres désastres qui touchent l’humanité. Ici, on ne reproche pas aux Juifs ce qu’ils sont ou ce qu’ils font en tant qu’adeptes d’une religion différente du christianisme, non, on les accuse d’être ce qu’ils ne sont pas (des adeptes du Malin) et de faire ce qu'ils ne font pas  (empoisonner les puits, commettre des crime rituels, répandre des épidémies, etc.) Toute misère, sans exception, leur est imputée…

Si l’origine de la haine des Juifs est bien religieuse, elle n’en porte pas moins les germes, dès l’origine, d’un projet où le fantasmatique le dispute à l’utilitaire. Les persécutions antijuives, ou antijudaïques, sont d’entrée de jeu des constructions socio-politiques. L’accusation glisse progressivement de la religion, décriée au nom de valeurs divergentes, aux adeptes-mêmes de cette religion, coupables de s’enferrer dans l’erreur au nom de valeurs contraires à l’humanité ; elle se déplace insensiblement du judaïsme en direction des Juifs, jusqu’à ne plus concerner qu’eux en bout de course. C’est ce lent glissement qui, ayant clos son processus fatal, a conduit à la Shoah.