Pourquoi un site sur l’antisémitisme ?


Le grand retour de la haine antisémite

Le retour brutal de l’antisémitisme à travers le monde est source d’angoisse autant que d’interrogation. La stabilité qui a caractérisé la vie des Juifs après la Seconde Guerre mondiale n’aurait-elle été en fin de compte qu’une brève parenthèse ? Un écran de fumée ? Un mirage ?



Une dizaine de Juifs français ont été assassinés depuis 2015 en raison de leur appartenance religieuse.
Extrait d'un montage d'Esther Grindberg (Crédit : //www.instagram.com/esthergrindberg/)


Sans pour autant envisager l’histoire du peuple juif sous un angle essentiellement victimaire et lacrymal, il est un fait que les Juifs, de Bruxelles à New York, sont aujourd’hui confrontés à des violences verbales et physiques que l’on croyait de longue date dépassées, oubliées, répudiées, hors d’usage. Or, la séquence génocidaire du 7 octobre 2023 où, dans le désert du Néguev, plus de 1.200 Israéliens de toutes âges, sexes et conditions ont été assassinés de sang-froid par des terroristes assoiffés de sang, est à l’origine d’un véritable traumatisme.  La peur est de retour. On ne peut plus s’en cacher. 

On aurait pu penser qu’après la Shoah, l’hydre antisémite était pour de bon vaincue. Or, sans même parler des événements récents autour du conflit opposant Israël et le Hamas, tous les experts s’accordent sur une recrudescence continue de la judéophobie depuis octobre 2000. L’Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) publie depuis 2006 des documents de travail sur l’antisémitisme, lesquels démontrent une nette recrudescence des menaces antisémites au sein de l’Union européenne, en même temps qu’ils font valoir l’origine désormais plurielle de cette menace. Les attaques n’émanent plus seulement de l’extrême-droite raciste ou d’une partie de la droite traditionnelle (antisémitisme préconciliaire), mais aussi de la gauche radicale (antisémitisme économique/ antisionisme radical) et des Cités sud et nord de l’Islam. De nombreuses analyses et rapports soulignent même le fait que dans nombre de pays européens l'augmentation des incidents antisémites est désormais l’apanage, non plus de l’extrême-droite, mais d’une partie de la jeunesse musulmane. C’est ainsi qu’une étude menée en région bruxelloise auprès de 1700 lycéens avait signalé une prévalence antisémite (mais aussi homophobe et sexiste) trois fois plus importante chez les élèves se réclamant de l’Islam que chez leurs condisciples se définissant comme athées et/ou sans religion[1]. Témoignent de cette réalité, les assassinats commis ces dernières années par des jeunes musulmans radicalisés en France ou en Belgique :  de Merah (assassinats de Toulouse) à Nemmouche (attentat de Bruxelles).

 


Mais la recrudescence des sentiments antijuifs dans les banlieues de l’Islam a des causes plus profondes que les ratés du processus de paix israélo-arabe ou les malheurs du peuple palestinien.  Selon les articles et rapports des meilleurs spécialistes de la question, les manifestations antisémites qui surgissent à chaque épisode du conflit israélo-palestinien procèdent autant du conflit lui-même que d’un habitus antisémite latent et tenace. Comme le souligne Didier Lapeyronnie, professeur de sociologie à l'Université Paris-Sorbonne, le rapport de causalité n’est pas celui que l’on croit. Aux yeux du chercheur « la focalisation sur les évènements du Proche-Orient vient du fait que les gens sont antisémites, pas l'inverse. » Cet habitus antisémite explique pourquoi « la rue arabe », comme du reste la rue progressiste, ne se mobilise, à l’exclusion de toutes les autres causes, y compris musulmanes, que pour les Palestiniens. Rares et ultra-minoritaires sont les manifestations de soutien aux Afghans, Kosovares, kurdes, Ouïghour, Rohingya, Syriens ou Yéménite… Et pourtant ! La Syrie : 500.000 morts. Le Yémen : 200.000 morts. L’Afghanistan, deux millions de personnes déplacées. La Chine : deux millions de musulmans internés.  Qui s’intéresse réellement à ces peuples humiliés, décimés, martyrisés ? Personne. Ou si peu…