2. Haine des Juifs et/ou des Sémites ?


Soyons bien clairs sur ce point : le mot antisémitisme désigne et ne désigne que la détestation ou la haine des seuls Juifs. Il n’a été inventé que pour cela. L’affirmation selon laquelle un musulman ne saurait être traité d’antisémite au motif qu’il serait lui-même un sémite est un contresens total. Ce serait en effet oublier qu’il n’existe pas plus de peuple que de race sémitique. Les « races », qu’on les qualifie de  « sémite », « aryenne »,  « nordique », « blanche », « noire », ou « jaune »,  n’existent que dans l’imaginaire des adeptes du racisme. L’adjectif sémitique, créé à la fin du 18e siècle par des linguistes allemands et adopté par des savants de toutes nationalités, à l’instar du Français Ernest Renan, désignait la famille de langues qui inclut entre autres l’hébreu, l’araméen et l’arabe, mais aussi l’amharique (Ethiopie) et le tigré (Erythrée et le Soudan).

Or, en dehors du fait qu’ils pratiquent tous une langue ou un dialecte sémitique, il n’existe aucun lien entre ces différents peuples. En dépit de son inadéquation, ce concept a pourtant été instrumentalisé par des polémistes et des savants opposés au processus d’émancipation des Juifs. Le douteux privilège d’avoir popularisé le vocable antisémitisme revient à Wilhelm Marr un obscur journaliste allemand qui fonde, en 1879, une Ligue antisémite. Ce polémiste, qui par haine du libéralisme passa de l’extrême-gauche radicale au nationalisme, entend dénoncer par-là sa crainte de voir les Juifs, détenteurs selon lui d’indéniables « qualités raciales », prendre le pas sur les chrétiens. Wilhelm Marr, en le parant d’un vernis pseudo-scientifique, donne un fondement nouveau au rejet multiséculaire dont sont victimes les Juifs.