6. La définition de l’IHRA empêche-t-elle de critiquer Israël ?


Pour certains politiques et universitaires belges, la définition de travail de l’antisémitisme adoptée en 2016 par l’International Holocauste Remembrance Alliance (IHRA) interdirait toute possibilité de critique à l’égard de l’Etat d’Israël – en quoi l’initiative de l’IHRA porterait gravement atteinte à la liberté d’expression.

S’il ne fallait qu’une seule phrase pour donner tort aux détracteurs de l’organisation intergouvernementale, il suffirait de citer le troisième paragraphe de sa « définition de travail de l’antisémitisme » :  « L’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’État d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive. Cependant, critiquer Israël comme on critiquerait tout autre État ne peut pas être considéré comme de l’antisémitisme. [1]» L’utilisation du verbe « pouvoir » signifie tout simplement qu’une critique présentée comme antisioniste « peut » (ou ne pas) se révéler en certaines circonstances antisémite, ce que d’ailleurs ne nie nullement une définition de l’antisémitisme jugée plus progressiste, celle dite de Jérusalem, qui reconnaît, elle aussi, que « l’hostilité à l’égard d’Israël peut être l’expression d’un sentiment antisémite ».

On doit dès lors légitimement s’interroger sur la bonne foi des opposants au travail de l’IHRA et ce, avec d’autant plus de vigueur qu’en son premier paragraphe, la définition de l’IHRA se pose comme non … contraignante, d’où sa qualification de définition « opérationnelle », ou « de travail ». Si décrié qu’il soit, le document de l’IHRA n’est en réalité qu’un outil informel avant tout destiné à faire le partage entre « critique légitime » et « critique antisémite » de l’Etat juif - dans le but avoué de protéger la liberté d’expression. Les exemples qu’il fournit font le distinguo entre antisionisme et manifestations d’antisémitisme. Sont ainsi définis comme antisémites les déclarations, actes, écrits qui en viennent à …

  • Nier au peuple juif le droit à l'autodétermination, en prétendant par exemple que l'existence de l'Etat d'Israël est une entreprise raciste.
  • Faire preuve d'un double standard en exigeant d'Israël un comportement qui n'est attendu ni requis d'aucun autre pays démocratique.
  • Utiliser des symboles et images associés à l'antisémitisme classique (par exemple l'affirmation que les Juifs ont tué Jésus ou les meurtres rituels) pour caractériser Israël et les Israéliens.
  • Faire des comparaisons entre la politique actuelle israélienne et celle des nazis.
  • Tenir les Juifs de manière collective pour responsables des actions de l'Etat d'Israël.

Cet ensemble de critères n’entrave en rien la critique, légitime, de l’Etat d’Israël. Comment du reste pouvoir imaginer le contraire, sachant que l’IHRA est une organisation intergouvernementale où siègent des diplomates (chefs de délégation) représentants les divers États signataires, assistés d’experts reconnus, parmi lesquels, dans le cas de la Belgique, la Caserne Dossin de Malines, l’Université Libre de Bruxelles (ULB ) ou encore la Cellule Démocratie ou Barbarie (FWB). 34 États sont membres de l’organisation, parmi lesquels l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Argentine ou la Belgique. Plus de 2.000 institutions régionales, nationales ou internationales (Commission et Parlement européens, Sénat de Belgique) et organisations diverses (partis politiques, clubs de football, etc.) ont adopté la définition de l’antisémitisme de l’IHRA. On ne peut que s’interroger sur les motivations qui se cachent derrière la campagne qui vise à décrédibiliser l’institution à l’origine d’un document aussi largement approuvé.  

 

[1]ttps://www.holocaustremembrance.com/fr/